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Quand une idée un tantinet originale surgit d'un cerveau fécond, on dit: "Il fallait y penser" et on salue sa réalisation.
Par contre quand une idée incongrue, déplacée ou choquante est mise en pratique, on a immédiatement le réflexe outré de penser "Ils ont osé !"
C'est justement cette seconde réaction qui vient immédiatement à l'esprit en apprenant que la journée de la pauvreté a été associée à la semaine du goût (1).
On ajouterait même qu'il fallait une
certaine
dose
d'inconscience,
si ce n'est une dose certaine de cynisme, pour concevoir
et
surtout médiatiser
cette
idée de mauvais goût dont le premier
effet est de démontrer qu'en
accommodant savamment les subsides de la Banque Alimentaire, le
pauvre peut mettre à sa table le menu et la
qualité d'un
honnête et réputé restaurant.
Autrement dit, un ventre mal
alimenté peut jouer les Escoffier
de
banlieue en cuisinant des produits la plupart du temps
refusés ou invendus.
Le deuxième effet évoque quasiment que l'épicerie d'ultime secours, dont l'existence est évidement à saluer mais hélas dramatiquement nécessaire, n'est pas loin de devenir le Fauchon du pauvre.
Certes, il ne fait aucun doute que les concepteurs de cette idée lumineuse n'ont évidement jamais goûté personnellement à la pauvreté, qu'ils en sont même très éloignés et que pour certains il ne s'agissait clairement que de surfer sur un thème social d'avenir en mêlant marketing politique (les élus), éthique d'entreprise (les partenaires de la Banque Alimentaire), opération de communication (les responsables de la Banque Alimentaire) et bonne conscience. Bref, un melting-pot d'illusions dont le compte-rendu montre que la cible était manifestement d'avantage les invités au repas expérimental qui ne sont pas en situation de consommer ce genre de produits, que les rares spécimens de pauvres conviés qui en sont les consommateurs quotidiens par la force des choses.
Comme dans le domaine de la communication un message en cache toujours un autre - forcément subliminal - on n'aura pas trop de peine à discerner que derrière celui destiné à valoriser le produit auprès de ceux qui n'en auront pas besoin, se dessine un autre qui vise le public beaucoup plus vaste de ceux qui ne peuvent ou pourront pas faire autrement que d'y avoir recours. C'est d'ailleurs certainement la raison pour laquelle les deux journaux locaux ont été conviés à médiatiser cette information en adoptant l'aspect gustatif de la chose afin de déculpabiliser les nombreux futurs usagers de cette banque que l'actualité pousse à se sentir de plus en plus visés.
Plus largement, cette même actualité nous fourni un raccourci frappant et évocateur en nous rappelant qu'il y a toujours à craindre l'addition salée quand les "banques" s'intéressent à nous.
A lire en complément: Le spectre du SDF.
NB: Merci de signaler les liens inactifs. Une copie PDF de ceux-ci vous sera adressée.
(1) On notera au passage qu'une semaine entière est consacrée au goût et à la gastronomie alors qu'une seule journée est dédiée à la pauvreté. Si on peut comprendre que la quinzaine de repas hebdomadaires soit nécessaire pour décliner les facettes culinaires en autant d'appels à la variété gustative, on conviendra que la pauvreté se rappelle aux estomacs vides au moins deux fois 365 fois par an.