le site
CompteurRetour à l'accueil du siteFermer la pageImprimante .... pour imprimer toute la page. Un clic et c'est parti.EnglishEnglishDeutch


Actualisée le 20 octobre 2008


LE SPECTRE DU SDF

Comme pour nous mettre au défi de continuer l'action de l'Abbé Pierre, le grand froid succède sans répit à la mort de cet homme.

Il n'est plus l'heure aux pleurs, aux béni ouï-ouï, aux mots vides, à l'admiration. Face à un tel homme, il vaut mieux se taire, être silencieux. Vénérer est inutile, voire même inconvenant. Faire une cure de misère pour soulager sa conscience en faisant la charité aux "pauvres", c'est écœurant. Pour aider les sans domicile fixe, il faut d'abord savoir si individuellement, chaque être est capable de réaliser une action. D'ailleurs, que faisons-nous donc ?

L'Abbé s'y est épuisé à aider les sans abris même si son action était rendue possible par la légitimité de sa condition et du respect du à l'ancien résistant

Pourtant, rien n'a changé depuis l'appel de 1954, des hommes et des femmes vivent toujours à même le sol, comme des bêtes, sous des cartons, des bâches, des sacs plastiques et du journal. Pour la société, ils n'appartiennent plus à la communauté humaine. Désormais, il y a EUX et NOUS. Depuis, plus de vingt ans, chaque jour, leur visage, leur condition rappellent à celui qui va travailler qu'il est privilégié, qu'il est un rescapé - pour le moment - du naufrage économique, du désastre familial qui peut surgir à tout moment comme une lame de fond.

Voir à travers ce miroir sa future pauvreté et déchéance dans les yeux de celui qui les vit est insupportable pour tout être humain. Nos hommes de pouvoir ont bien compris que cette vision d'épouvante leur permet de nous maintenir dans un état de terrorisme social permanent

L'Abbé avait déclaré lors d'une émission de télévision que nous étions en guerre contre la misère. Il avait raison. La vision du malheureux, crasseux, nous fait tout accepter dans le monde du travail réduit aux théories économiques des dirigeants d'entreprises new-look. Or, nous avons tout oublié du bon sens par PEUR de rentrer en résistance. Ne pas bouger, ne rien dire de "PEUR" de  perdre son emploi, sa famille. Un Homme n'est plus rien sans cela.

Pourtant, les "politiques" ne peuvent plus nous cacher que la "croissance" est présente. Les grosses entreprises battent des records de profits grâce à la technique des vases communicants. D'abord par l'absorption de tous leurs concurrents à commencer par ceux qui forment le tissu économico-social des pays. Grâce aussi à la manne financière dont les lignes de crédits sont sans limites pour les prédateurs. Mais aussi et surtout grâce à la compression des salaires qui n'ont jamais été aussi bas pour la majorité des gens, proportionnellement aux coûts des éléments de première nécessité.

Pire, les "politiques" demandent que les Français fassent un "effort". Mais de quoi, nous parle-t-on ? Avons-nous vendu notre conscience et notre bon sens aux terroristes du progrès social virtuel ? Parler de l'importante taxation française des entreprises est une tarte à la crème ! Lorsque les dirigeants d'entreprises privilégient les actionnaires aux salariés, il n'y a pas besoin de faire HEC, Sciences-Po ou l'ENA pour comprendre que les entreprises se paient une main-d'œuvre à bas prix et maintenir les salariés dans un état de dépendance au travail, de précarité sociale et de peur castratrice. Dans un récent sondage (1, 2 ,3), un français sur deux a peur de devenir SDF. Quelle belle aubaine pour continuer à actionner le levier de la peur sociale ! Les moyens mis en œuvre sont immondes. En voici quelques-uns :

- les cadres expérimentés coûtent trop cher. Entraînés dans un système de performance "de toujours plus", ils s'y épuisent. Les hautes hiérarchies privées et publiques instillent le doute individuel sur les performances, arguent le manque d'adaptabilité, stigmatisent une formation supérieure trop ancienne, mettent en cause des méthodes révolues. Puis, après vous avoir mis en garde, ils licencient en faisant un ravage dans votre personnalité et dans votre famille parfois. C'est bien, vous êtes mûr pour partir "en vrille", "manger des médicaments" et voire au quotidien votre film d'horreur : le visage du SDF. La terreur des lendemains fonctionne à plein.

- les jeunes, issus des universités, sans expérience, sont tellement "gonflés à l'hélium" pendant tout leur cursus avec de vieux discours ringards tels que "vous êtes l'élite", "l'année précédente, la promo a trouvé du boulot" qu'ils ne regardent même plus leur pote SDF sur le chemin du resto "U". Tant que l'on reste à l'Université, les chiffres du chômage ne grimpent pas. (CQFD)

- les jeunes des sections professionnelles galèrent pour un salaire minable qu'il faut aller chercher "là où il y a du boulot" donc forcément loin et ne comptent pas leurs heures, plus ou moins convaincus que le mérite sera au rendez-vous.

- le harcèlement moral, la placardisation, toute destruction programmée dans l'entreprise qui rend fou et parano. Ne sont-ils pas des moyens de destruction d'une violence sociale inouïe ? Le ciboulot tourne à vide sur le "pourquoi moi ?", "Suis-je si minable ? ". L'image du SDF survient en force et hante chaque soir au moment de s'endormir. La dépression s'en mêle et tout s'emmêle pour fabriquer du "fragile", du "fragilisé", du "faible". …. Dans ces conditions, rejoindre la rue, c'est facilement programmé.

Ah, ces chères peurs, comme elles sont aimées, choyées, entretenues par les pouvoirs. A ce stade, chaque être humain accepte tout pour rester dans la communauté humaine, même les heures de travail les plus folles, même les conditions de travail les plus absurdes, même les managements les plus incohérents ou le dirigeant le plus déjanté.

Les pouvoirs politiques et économiques ont décidé d'un commun accord que les profits et la richesse devaient se concentrer et ne se partageraient pas avec la communauté des Hommes.
Parallèlement on parle d'éthique, de progrès social, de respect de l'organisation internationale du travail car l'Homme, dit-on, fait partie intégrante du développement durable.
S'il y a une logique à cela, c'est celle du double langage cynique, donc de la manipulation. 

Cette théorie mondialiste déroule le tapis rouge aux délocalisations dans les pays émergents pour en exploiter la main-d'œuvre dans des conditions inacceptables, humainement et juridiquement. Chaque année, des entreprises se délocalisent laissant des centaines de salariés sur le pavé alors qu'elles sont prospères. Dim, Aréna, Aubade, tant et tant d'autres PME régionales,  laissent leurs employés derrière eux, sans ressource alors qu'ils ont "tout donné et tout accepté". Le spectre du SDF revient. A 45-50 ans, que peut-on espérer aujourd'hui ?

La loi du "toujours plus" sacrifie les salariés comme l'on sacrifie des agneaux sur l'autel des équations économiques pour inciter les dieux à donner davantage d'argent, de prise de pouvoir, de domination. Très rares sont les "politiques" qui, comme le député Jean Lassalle s'insurge contre les délocalisations. Telles des coulées de boues, le départ des entreprises ravage la richesse de notre pays, capte les investissements, éclate les familles.

Je n'appartiens à aucun mouvement. Je suis propriétaire de ma conscience, tout simplement. Notre pays est le plus gros consommateur d'antidépresseurs. Quel record ! Cette camisole chimique fait supporter le spectre de la misère et déforme le miroir de la réalité.

L'Abbé Pierre s'est épuisé à compenser l'absence d'action politique pour sauver des familles que la société laisse mourir quand elle n'est pas complice de l'organisation de leur  agonie. La misère n'est pas une fatalité et résulte d'un déséquilibre de lois ou de droits préjudiciables aux individus quand il ne s'agit pas du non-respect du droit et de la justice élémentaire. Les coups de gueule de l'Abbé Pierre étaient le thermomètre social du pouvoir

Donner un peu mais ne rien changer résulte d'une savante alchimie sociale fonctionnant sur la peur, ce mécanisme ravageur. Puisque nous avons tout accepté, il nous faut maintenant accepter de nous délocaliser  pour espérer trouver du travail dans les pays où l'ordre économique aura choisi d'en offrir ... à ses conditions. Le film "Les chiffonniers d'Emmaüs" se termine par: "d'un bout du monde à l'autre : l'HOMME".

Cette phrase n'a jamais été aussi réelle que maintenant. L'homme d'église y voit l'Homme comme la valeur première partout dans le monde. Le pouvoir "politico-économique", lui, voit "d'un bout du monde à l'autre" la loi de son système économique et les flux migratoires comme condition à la concentration des richesses non redistribuées.
Cela doit nous faire réfléchir ..... avant le point de non-retour.

Rachel© Janvier 2007
Contact

A lire en complément édifiant, l'initiatiative de la Banque Alimentaire d'associer la semaine du goût et la journée de la pauvreté:
La Banque Alimentaire se prépare à devenir le Fauchon du pauvre.

Note:
Selon une étude de l'INSEE sur les niveaux de vie, il y aurait: 13, 2 % de pauvres en France en 2006

NB: Merci de signaler les liens inactifs. Une copie PDF de ceux-ci vous sera adressée.

LesChroniques.net  - Tous droits commerciaux réservés
Copie et diffusion autorisées (et  recommandées) dans le cadre privé avec mention de l'auteur et du site
Webmasters: Ce texte peut être repris sur votre site à la seule condition de contacter leschroniques.net