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Actualisée le 7 vril 2011


Cet article d'octobre 2006 annonçait la volonté du ministère de la Justice de mettre en place une plate-forme d'écoutes. Aujourd'hui, sa mise en marche opérationnelle vient d'être officiellement annoncée. L'étendue de ses moyens et des données collectées est impressionnant - les voix, les images, les données de connexion, les dates et heures d'appels, le contenu des SMS, des mails et de toutes les communications circulant sur le Net, la géolocalisation, etc... Rattachée au secrétariat général du ministère de la justice, c'est à dire au pouvoir en place, elle sera accessible sans vérification de l'opportunité des recherches (!) qui resteront confidentielles (!). Pourquoi ce formidable outil de basse police stalinienne dépourvu de contrôle des contenus collectés, des véritables motifs de consultation et de l'utilisation est confié à l'administration de la Justice ? Tout simplement parce que la légitimité, la fonction théoriquement honnête, le pouvoir supérieur et la fonction suprême de dernier rempart de la république démocratique qu'elle représente pour les citoyens permettent de jouer sur la "confiance" et d'imposer à la fois le système de surveillance permanent et l'impossibilité d'obtenir condamnation de ses abus. Allez-donc saisir la Justice pour des injustices dont elle est responsable ! 

CONTROLE: 
AUTOMATISATION DES ECOUTES TELEPHONIQUES PAR LA JUSTICE.

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Suite...

L'administration judiciaire va se doter d'une technologie que l'on s'attendrait plutôt à voir dans les sous-sols d'un immeuble banalisé appartenant à un service spécialisé du Ministère de la Police d'un pays ou les dirigeants ont une confiance très limitée dans la population. Le fait que ce soit l'institution judiciaire qui soit chargée de l'acquisition de ce matériel est évidement moins voyant et plus rassurant que si c'était le ministère de l'Intérieur. C'est surtout plus révélateur et porteur de graves interrogations.

En passant, c'est aussi une preuve supplémentaire que nous allons dans la voie tracée par l'Europe d'une grande administration chapeautant Police et Justice interdépendantes sous un même "commandement" comme c'est déjà le cas dans d'autres pays européens telle la Suisse. L'exemple vient d'ailleurs d'en haut puisque les deux fonctions policière et judiciaire ont un seul et même commissaire européen. Allez savoir pourquoi.

Au-delà de cette "évolution" pas rassurante mais très symbolique, se dessine avec l'acquisition de cette "plate-forme nationale reliée aux opérateurs" l'industrialisation du contrôle des populations.

En effet, la loi sur les nouvelles technologies avait contraint les opérateurs à surveiller le trafic de leurs clients et la loi n° 2006-64 (Chapitre II art 5 et 6) du 23 janvier 2006 relative à l'opportune lutte contre le terrorisme les a définitivement transformés en fournisseurs des services de renseignements. Ce qui revient à dire concrètement et logiquement que, dans la mesure ou les communications sont enregistrées, stockées et consultables, toute la population est systématiquement écoutée au niveau national par une administration nationale. Que ces écoutes soient aujourd'hui lues ou pas, utilisées ou pas, importe peu. Elles le sont potentiellement et réellement via les programmes de filtrage des mots. De ce fait, on ne voit plus très bien quelles sont les procédures dans lesquelles un magistrat doit motiver son accord à une écoute téléphonique comme la loi l'imposait. Probablement de l'ordre de l'ordonnance généraliste à durée permanente quand on parle d'automatisation des écoutes et de "bretelle" directe avec les opérateurs..

Bien sur pour légitimer toute décision de ce type il faut un avis d'expert indépendant sur lequel s'appuyer. En l'occurrence c'est le DRMCC qui s'y colle en sa qualité d'organisme universitaire, s'il vous plait. Plus exactement son responsable des études, des recherches et des séminaires M. Xavier Raufer, lequel est généralement associé à l'autre "spécialiste-conseiller" institutionnel en matière de sécurité qu'est Alain Bauer [et 1], entre autre le principal bénéficiaire des Contrats Locaux de Sécurité de la fin des années 1990. Les parcours de l'un comme de l'autre suffisent à donner une idée de leur caution à la mise en place technique du Big Brother que plus personne ne peut nier. Ils ne sont pas les seuls même s'ils sont très en cour.

Cette judiciarisation des écoutes téléphoniques, donc de la surveillance, fait franchir un pas décisif vers une "gestion" sociale des citoyens. Aujourd'hui, on ne peut plus parler de risque liberticide mais de situation liberticide du fait même de l'implication active et technique de l'administration judiciaire. 

En effet, voyons un peu plus loin. Nous savons d'expérience que le sentiment individuel de n'avoir rien à se reprocher ajouté à l'esprit sécuritaire largement suscité permet l'acceptation de toutes les monstruosités latentes pourvu que l'organe exécutant inspire un tant soit peu confiance. L'administration judiciaire, bien que largement déconsidérée, garde le caractère de rempart républicain à l'injustice et la majorité des citoyens pense encore, en espérant ne pas avoir à s'y frotter, qu'elle garantie un peu leurs droits. C'est la raison pour laquelle l'information passera sans grande réaction populaire. Par contre, il en sera tout autrement le jour ou un comportement banal sera considéré comme un acte déviant avant de rentrer dans la catégorie "anti-social", "incivil" puis "terroriste". Il sera alors trop tard car le piège aura déjà été installé et en parfait état de fonctionnement. Ce jour approche du fait même de la mise en place du dispositif technique

Ce n'est pas de la science-fiction pas plus que de la paranoïa mais bien la réalité dont quelques exemples ciblés actuels donnent un avant goût. Ainsi, ce n'est pas un hasard s'il se développe depuis quelques années une série de "sujets de société" dont le traitement vise à infantiliser et culpabiliser socialement. C'est la méthode de gouvernance récurrente pour marginaliser puis exclure.

Par exemple, l'analyse du "traitement social" des fumeurs devrait mettre la puce à l'oreille. Nous en sommes aujourd'hui à la quasi-interdiction totale dans les lieux dit publics. Demain ces fameux lieux publics intégreront les rues et les campagnes, c'est de la pure sémantique. Bref tous les espaces hormis les domiciles privés et encore. Alors, il ne fera pas bon prononcer au téléphone les mots "clopes", "cibiche", "cigarette", "pipes" ou "mégot" sous peine d'être classé dans les déviants, les fragiles, les dangers publics avec toutes les conséquences que cela supposent, de l'amende qui ruine un peu plus à l'internement pour rééducation. Il en va de même pour les médecines traditionnelles qui évitent d'aller mourir dans les hôpitaux, les méthodes ancestrales de cultures, les pensées réfractaires au nouvel ordre mondial, les non-convaincus par l'économie de marché monopolistique, les dénonciateurs d'incompétences, etc..., autant de comportements qui "mettent en danger la société".

La Justice alors équipée des moyens de traque des contrevenants que la Police n'aura même plus besoin de prendre en flagrant délit, aura toutes facilités pour les lister et débiter systématiquement et à la chaîne les sentences en rapport.

Une anecdote historique devrait réveiller nos consciences endormies par la peur ou la perte du bon sens. Elle est extraite du livre La République Xénophobe -1917/1939 [2].
Le fichier policier de renseignements, notamment le fichage des étrangers et de leurs contacts français, mis en place sous la III° république sociale-radicale et franc-maçonne a été automatisé et industrialisé ... en 1936 par René Bousquet, enfant protégé des frères (dans tous les sens du terme) Sarraut. Il comprenait officiellement pas loin de 6 millions de fiches (!). "Confisqué" par la police allemande dès son arrivée dans Paris et expédié à Berlin, il servira de base importante de renseignement dans le "contrôle allemand" de l'occupation (selon une note des services allemands de l'époque !). Il servira ensuite à l'URSS qui le "confisquera" à son tour lors de son entrée à Berlin.

Rien ne dit aujourd'hui ou demain qui utilisera ou prendra possession de l'accès direct au "fichier" des écoutes téléphoniques dans lequel tous les citoyens sont présents sans exception, ni à la "plate-forme nationale reliée aux opérateurs". Après tout un juge niçois utilisait bien un fichier national de police à des fins fraternelles.De plus, l'institution judiciaire a démontré qu'elle est avant tout une administration composée de fonctionnaires-magistrats ... tout comme la Sécurité Nationale d'avant guerre dont le profil du Secrétaire Général est bien connu et la "descente" d'un bon nombre de ses fonctionnaires du coté du Vel d'Hiv a laissé un arrière-goût bizarre. 

Une dernière chose.
Le fichier de 1936 ne comprenait qu'une très faible quantité de "délinquants" avérés. L'essentiel relevait de la "note blanche", de l'appréciation non signée, de "sentiments" plus ou moins personnels des rédacteurs basés sur des considérations racistes, xénophobes ou subjectives mais aussi parfois sur les "avis" de notables, de concurrents ou de voisins.

On ne pourra pas dire que l'on ne savait pas.

Paul-Vincent PAQUET© Octobre 2006
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Lire aussi mon commentaire d'actualité autour du sujet sur le Décret du 11 mars 2011:
Décret du 11 mars 2011: Surveillance totale et permanente de l'Internet privé définitivement installée avec en prime la manipulation directe de nos connexions

Note: Si la justice se voit dotée de tels "instruments" assez éloignés de sa fonction, les "forces de l'ordre" quand à elles, reçoivent des moyens dont la mise en place n'était, il y a quelques années, qu'un rêve des plus dangereux penseurs intégristes du fascisme total. Jugez plutôt:
La police française déploie ses grandes oreilles
Nous savons combien vous êtes !
Un fichier ADN commun pour toute l’Union
La police britannique déploie un drone de surveillance

NB: Merci de signaler les liens inactifs. Une copie PDF de ceux-ci vous sera adressée.

[1] Les Frères invisibles (page 305 à 312) de Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadren - Ed Albin Michel - 2001.
[
2] La République Xénophobe -1917/1939 - De la machine d'Etat au crime de bureau: Les révélations des archives - de Pierre-Jean Deschodt et François Huguenin - Ed JC Lattès - 2001.
(Bibliothèque Scandales-Corruptions  Livres 14 et 15)
 

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