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SOURIEZ, VOUS ETES FILMES .... QUAND ON VEUT

Quand une institution démontre son incompétence, son incurie ou pire ses forfaitures, le pouvoir politique de tutelle a deux solutions:
- constater son rôle néfaste et remplacer son personnel et son mode de recrutement si sa fonction est essentielle ou la rayer purement et simplement des organes de la nation si elle n'est pas primordiale au fonctionnement naturel de la société;
- ou manier la symbolique, se draper gaillardement dans la toge de l'élite responsable, installer des commissions oecuméniques et lancer une réforme en prenant soin d'avoir l'aval des potentats et des confréries. 

Dans le premier cas les tenants du pouvoir remplissent leur rôle d'émanation ou de protection populaire quel que soit le régime. Ils sont donc dans le registre de leur fonction sociale et garantissent la cohésion nationale. Ce cas de figure n'est  helàs constaté que lors des changements violents de régime.  

Dans le second cas, les détenteurs du pouvoir réagissent simultanément à trois préoccupations. C'est ce qu'ils appellent  la gestion des affaires de l'Etat, méthode de la "gouvernance" contemporaine:
- l'obligation de se maintenir en place et donc de renvoyer au peuple l'image d'un Bonaparte à Arcole dont la main ne tremble pas. Une "communication" adaptée explique au peuple qu'il est gouverné par les meilleurs du moment, que la meilleure des solutions possibles est déjà en gestation, qu'un dispositif d'urgence a été décidé ... évidement dans le respect des lois en vigueur, et que le tout est forcément mieux que ce que les opposants en embuscade auraient fait quoiqu'ils en disent.

- l'obligation de ne pas scier la branche socio-généalogique, c'est à dire préserver la pyramide des élites à laquelle ils appartiennent individuellement. Il est en effet suicidaire de dénoncer l'incompétence d'individus en charge de responsabilités dans l'institution visée sous peine de mettre en évidence les carences de sélection et de formation qui les ont "validées". Etant issus des mêmes principes de formation et de sélection, le risque serait grand de s'exposer au doute de l'amalgame que le bon sens populaire ne manquerait pas de faire et ... de perdre la déjà très faible crédibilité qui est la base de la légitimité.    

- l'obligation d'ajouter des règles légales sensées améliorer le fonctionnement futur de l'institution visée. C'est ce que les gestionnaires appellent "réforme", les initiés nomment "lente évolution vers la perfection" et les citoyens concernés "coup d'épée dans l'eau", "rustine" ou "les règles changent mais les acteurs sont les mêmes".   

Le dernier exemple significatif en date est la suite de l'affaire dite d'Outreau. Passons sur la gestion des deux premières préoccupations que chacun peut facilement vérifier sur pièce. Nous en sommes donc au traitement de la troisième préoccupation, celle de la réforme.

Comme d'habitude, chaque partie officielle intéressée à l'affaire y est allée de son avis autorisé, de ses mises en garde ou même de ses menaces et de ses états d'âmes. Les victimes de l'institution en cause et de ses sous-traitants et fournisseurs ont tenté de rappeler quelques principes cohérents, fourni le récit de leur vécu pour éclairer la pertinence de leur radiographie du système, et souvent porté la loupe implacable à la racine du mal. Celles que l'on connaît et la kyrielle des anonymes ont toutes le même discours. N'ayant aux yeux des responsables aucune légitimité autre que celles qu'ils leur accordent ponctuellement pour justifier tel ou tel de leurs arguments, ces citoyens seront contraints d'assister aux joutes des potentats et à la synthèse assez fraternelle qui en sortira.

L'une de ses joutes porte sur LA solution sensée régler le problème des dépositions pas vraiment conformes aux déclarations des déposants, voire carrément opposées par omissions, manipulations ou intimidations. Notons au passage que c'est enfin la reconnaissance d'une réalité constante et récurrente dénoncée depuis longtemps. Il est vrai que la simple expérience d'un dépôt de plainte peut être édifiante sur le talent policier de traducteur des déclarations forcément absconses du citoyen .. pré-délinquant potentiel.

LA solution géniale proposée est donc d'enregistrer par audio et/ou vidéo les dépositions des suspects en matière pénale pour chasser les doutes et contrer les contestations. Dans la ligne de mire, les policiers prédisent que "La présence de la caméra pourrait faire disparaître le rapport de confiance qui peut s'instaurer entre l'enquêteur et le gardé à vue " ( prière de ne pas sourire !) et ne sont pas du tout séduits. Leur grand chef n'est pas contre à condition que les magistrats (et les greffiers) s'y plient aussi. Façon de mouiller tout le monde en laissant penser au détour que les pratiques manipulatrices habitent aussi les cabinets d'instruction. Comme ça au moins, si nous avions des illusions, nous sommes fixés.

Hélas, cette solution ne semble pas non plus réconforter pleinement les victimes avérées et potentielles qui s'accrochent à une logique désarmante: Ce ne sont pas les règles qui sont en cause mais les intentions de ceux qui doivent les appliquer.

Certes, il sera plus difficile et plus long d'obtenir du "client" de "jouer" avec conviction devant la caméra le scénario qu'il signait jusque là sans l'écrire ou même le lire. Comme il sera plus ardu de gommer à l'écran les subtilités des questions fermées et des raccourcis en forme d'impasse ou encore les problèmes de surdité ou de compréhension apparamment courant chez certains enquêteurs. Mais il est plus difficile encore de penser que ce dispositif anesthésiera les intentions causes du problème, tant il est évident que l'intégrité, la probité, l'honneur et l'honnêteté ne s'acquièrent dans aucune école.

Ainsi, pour ce qui est du risque de bidouillage d'une bande audio ou vidéo, certains enquêteurs de terrain partent avec quelques tours de circuit d'avance possédant à priori une meilleure technicité pour manier les boutons "Enregistrement" et "Pause" des magnétophones et caméras vidéo lors des interrogatoires. Tempérament et compétences pratiques obligent. C'est peut être la raison pour laquelle le grand policier en chef aimerait bien mettre les deux formations de la même équipe en concurrence, histoire de glorifier les meilleurs dans la technique de la couverture professionnelle et de faire porter le chapeau d'un futur "dysfonctionnement" aux autres. 

Comme toute nouveauté s'accompagne d'une formation adéquate, pourquoi ne pas suggérer qu'elle soit assurée par les spécialistes de la Direction Générale de l'Aviation Civile qui ont acquis validations et lauriers dans le maniement des bandes enregistreuses des boites noires qui, comme chacun le sait, se déclenchent automatiquement au décollage et s'arrêtent tout aussi automatiquement à l'atterrissage. Ce qui n'est pas le cas des magnétoscopes et vidéos qui, comme chacun le sait aussi, n'enregistrent que quand l'opérateur le souhaite.


Paul-Vincent PAQUET© Septembre 2006
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NB: Certains magistrats n'auraient rien à envier à certains policiers

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